Nsílí/Question : c’est quoi la tranche d’âge pour dire qu’on est jeune en Afrique?
De ce que je vois : 25, 30, 40, 50 ans, beaucoup se considèrent « jeunes » et réagissent comme si de ce fait tout leur est dû. Comme si la sortie de leur condition dépendrait plus d’une bonne volonté de ceux qui selon eux, bloquent tout.
Si à 30-40 ans on se considère comme jeune, quid des 15-18 ans?
On l’entend assez, la population africaine est constituée en majorité des moins de 18 ans. Donc, celui qui a 32 ans et n’en finit plus de se considérer comme un « jeune » à qui « on » vole l’avenir, à nouveau, quid de celui de 17 ans?
Pour ma part, je pense qu’en 2022 un « jeune » a plus d’opportunités d’être conscientisé (et donc de devenir acteur de sa vie) que son congénère des années 70-80 qui, pour rappel, a connu un contexte géopolitique et géoéconomique encore plus délétère. Exemple des PAS (plans d’ajustement structurel) du FMI et l’Ebulgadzanga (Bordel immense, pour parler trivialement en langue Ewondo) qui a suivi côté socio-économique. Et à cette époque, point d’Internet ou ce boulevard informationnel dont dispose le « jeune » d’aujourd’hui pour asseoir sa compréhension du contexte.
En 2022 un « jeune » a plus d’opportunités d’être moins complexé (par rapport au monde occidental) qu’un jeune des années 40-50-60 en plein dans la colonisation et son poids écrasant (côté déstructuration psychologique)
Pour faire simple : un jeune des années 50-60 avait plus de probabilités de voir le mode de vie occidental comme la panacée et donc agir plus facilement comme un supplétif de celui-ci. Lorsqu’on le comprend, loin de focaliser son énergie à se lamenter du rôle de supplétif de ce jeune des années 60 devenu adulte, on focalise sur le : comment empêcher aujourd’hui, au vu de notre compréhension du contexte, ce supplétif d’orienter nos vies par ses choix?
La nuance est immense ! D’où la nécessité à un moment d’arrêter cette posture du « Je suis jeune / je souffre, tout m’est dû »
Ceci est non pas un jugement, mais une invite à se bouger SOI DÉJÀ en lieu et place de s’attendre à ce que son quotidien change quand ceux qu’on estime « responsables » de son sort, deviendront (d’un coup de baguette magique sans doute ?) différents.
En somme, il s’agit de se positionner clairement. Soit on adopte la complainte (notre vie va mal à cause de ceux qui nous dirigent), soit on comprend que son premier sauveur c’est soi, et on créée les conditions pour pousser donc les « vieux » à aller dans son sens.
Un exemple à suivre : la société civile malienne, notamment le cas d’école « YEREWOLO »
Tous ceux qui s’intéressent à la dynamique en cours au Sahel, surtout au Mali, ont eu le temps de voir l’immense travail accompli par ce mouvement de la société civile qui intervient non seulement sur le plan politique, mais aussi socio-économique et culturel. Leur dernière action, un travail de terrain pour une justice plus équitable. Voilà un mouvement civil qui, loin des théma en vogue comme les droits des Lgtbt, la démocratie et autres thèmes soutenus par l’extérieur, s’attaquent d’abord aux vrais problématiques de la société malienne, comme le droit à une justice équitable, la question foncière, prégnante. Au Cameroun, depuis plusieurs mois, le sujet du football clive, déchire, mais concrètement, le football est-il ce qui va apporter des solutions à des problématiques comme celles de la justice accessible à tous ? Ceux de la question foncière ? Pourquoi ne voit-on pas le même engouement sur ces sujets ?
Que faut-il finalement, lorsque « jeune », on constate qu’il existe des freins à son épanouissement ? Mettre les mains dans le cambouis, en prenant à bras le corps des problématiques où les solutions, surtout si inspirés d’un travail de terrain, impactent directement son quotidien ? Ou alors, rester dans le discours en mode « Les vieux nous bloquent » ?
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Une dichotomie qui doit cesser
En effet, on ne peut d’un côté estimer que les « vieux » sont égoïstes et parés de tous les défauts, et de l’autre, attendre de l’empathie et de l’intelligence de ces « vieux égoïstes ».
C’est on ne peut plus contradictoire. Si on reconnaît qu’ils sont parés de ces insuffisances, à quoi sert-il donc de se lamenter sur cela sans chercher concrètement à agir pour que la donne change ? Car, après tout, si le statuquo sert les intérêts de ces « vieux », pourquoi donc iraient-ils changer la donne ? C’est à celui qui se plaint, de faire le nécessaire pour que la cause de sa plainte trouve solution.
Surtout, tout « jeune » de 2022 (qu’il ait 20, 30, 40 voire 50 ans vu l’élasticité de ce concept de « jeune » en Afrique de nos jours) ne doit pas oublier ceci : « jeune » aujourd’hui, il sera « le vieux » de demain. Et autant il aura jugé ceux d’aujourd’hui, autant les jeunes de demain le jugeront.
De même, il ne doit pas oublier que les vieux d’aujourd’hui ont eux aussi été des enfants de hier, des jeunes de hier, dans des contextes tous aussi déstructurants et déconstructeurs, voire plus. A méditer ! ©Minsili Zanga
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